Lundi soir dernier, je regardais à nouveau une reprise d'un épisode de la série documentaire «À DROITE SUR LA PHOTO» sur TV-5, la chaîne de télévision française internationale. Ces documentaires ont pour sujets des faits ou des personnages historiques vus sous l'angle d'un témoin privilégié, mais souvent méconnu, resté dans l'ombre ou demeuré longtemps secret.
La semaine passée, «À DROITE SUR LA PHOTO» traitait du cas du Docteur Max Jacobson, un médecin allemand (né en Pologne en 1900) qui a fui Berlin à l'arrivée au pouvoir de Hitler. Il s'est réfugié à New York où il s'est fait une clientèle "particulière", comprenant beaucoup de chanteurs, des acteurs, des sportifs, des écrivains et des politiciens.
Son client le plus important ? Nul autre que le président américain John F. Kennedy (JFK). À la fin de sa campagne électorale de 1960, Kennedy, épuisé, à bout de forces, aphone, cherche de l'aide en vue de sa participation au débat télévisé qui doit l'opposer à son adversaire républicain Richard Nixon.
Mark Shaw, un photographe qui couvre sa campagne, lui suggère de consulter son médecin, le Dr Max Jacobson. Ce dernier accepte de recevoir Kennedy en secret. Le candidat démocrate à la présidence des USA reçoit une injection intraveineuse dans le bras. L'effet est pratiquement immédiat. Kennedy ressent un formidable regain d'énergie, il n'a plus de douleur, et il apparaît dans une forme physique éclatante au débat télévisé du lendemain.
À l'écran, le public américain voit un jeune homme élégant, beau, à la fois calme et alerte. Kennedy affiche un visage bronzé, souriant et bien maquillé. Nixon présente une physionomie complètement à l'opposé de son adversaire. Grippé, exténué par la dure campagne électorale, maussade, blême et n'ayant pas une bonne posture devant les caméras, celui que l'on surnommera «Tricky Dick» a aussi commis l'erreur de refuser d'être maquillé.
Le débat tourne à l'avantage de Kennedy, et beaucoup d'analystes de la scène politique américaine croient que ce fut la bonne performance du candidat démocrate qui lui a permis de remporter l'élection présidentielle très serrée qui suivit.
Durant sa présidence, JFK aura souvent recours aux services du Docteur Jacobson (justement à droite sur la photo ci-dessus), car le monde ne doit pas savoir qu'il a une santé très fragile. Adolescent, il a survécu à une leucémie. Il est allergique, il souffre de maux de dos terribles, et il est atteint de la maladie d'Addison (insuffisance des glandes situées au-dessus des reins).
Handicapé, Kennedy est parfois incapable de se tenir debout et il doit marcher à l'aide de béquilles. Mais il doit sauver les apparences en public. Il doit projeter l'image d'un homme jeune et vigoureux. Jacobson lui injecte fréquemment des cocktails de drogues et de médicaments comme des amphétamines, de la novocaïne, des stéroïdes, des anti-douleurs, des vitamines et même du placenta humain. Autrement dit, des «speeds».
Le médecin aux allures de «savant fou», et plutôt arrogant, appelle ces traitements «régénération miraculeuse de tissus». D'ailleurs, Jacobson est surnommé «Miracle Max» ou, plus souvent, «Dr Feelgood».
Certains de ses clients (dont l'écrivain Truman Capote, photo ci-dessus) ont témoigné des effets de ses traitements. Après les injections, ils se sentent comme Superman. Ils débordent d'énergie et ils peuvent passer des jours sans dormir. Ils sont super confiants et rien ne leur semble impossible.
Cependant, ces «speeds» causent une dépendance chez leurs utilisateurs, ainsi que des effets secondaires qui peuvent être néfastes. Certains patients éprouvent des problèmes cardiaques, des dérèglements du système nerveux, ou ont tendance à faire des erreurs de jugements. À la longue, les «speeds» font effet moins longtemps, et leur usage provoque parfois des dépressions.
Tout ça m'a fait penser au cas de Carey Price, le gardien de buts des Canadiens de Montréal. Au début d'octobre 2021, Price s'est inscrit au programme d'aide des joueurs de la LNH pour traiter un problème de consommation ou de dépendance à des «substances» non identifiées. Mais on parle assurément ici d'alcool, de drogues ou/et de médicaments.
En apprenant la nouvelle, on pouvait revoir le passé de Price avec un éclairage révélateur qui dissipait certains mystères ou affaires nébuleuses entourant le cerbère du CH. La planète tricolore, qui, on le sait, tourne autour du célèbre gardien, était sous le choc.
Qu'est-ce qui avait poussé le no 31 des Habs a recourir à ces «substances» ? La douleur reliée à ses problèmes de genoux ? La pression insoutenable de porter sans cesse toute son équipe sur son dos ? La pression d'être l'idole de tout un peuple ? Des prédispositions génétiques ou psychologiques, genre bipolarité ? Peut-être toutes ces raisons à la fois...
Cela pouvait aussi expliquer ses comportements tantôt agressifs, tantôt nonchalants. Ses crises de nerfs sporadiques devant son filet comme : lever les bras en l'air, à la Patrick Roy, pour répondre aux huées des spectateurs; lancer dangereusement une rondelle après avoir accordé un but; passer sa rage en fracassant son bâton sur sa cage (photo ci-dessous), regarder de travers un coéquipier dont l'erreur a provoqué un but; affirmer se sentir comme un «hobbit» à Montréal, etc.
Price était-il sous l'effet des «speeds» lors des séries éliminatoires de l'an passé ? Lui qui, dans les entrevues d'après-match est souvent taciturne, peu bavard, comme s'il avait des choses à cacher, est apparu, au contraire, survolté et imbattable après avoir gagné les trois premières rondes éliminatoires contre Toronto, Winnipeg et Las Vegas. Tout excité il a crié, à un moment donné : «I'm having the time of my life».
Ce retour triomphal après une autre de ses nombreuses absences prolongées au cours des dernières années, me semblait suspect. C'était toutefois caractéristique de ses performances en dents de scie au cours de la dernière décennie. Des performances ordinaires ou carrément mauvaises suivies soudain d'une série de victoires où il semblait inexplicablement invincible...
L'effet limité des «speeds» après une surconsommation explique probablement sa baisse abrupte de régime au début de la série finale de l'été dernier contre le Lightning de Tampa Bay, les éventuels champions de la Coupe Stanley.
Depuis la fin de sa cure pour sa «noire» dépendance à ces dites «substances», Price entretient encore un mystère autour de son état de santé. Avec la complicité de l'organisation du Canadien, il semble jouer la comédie. Tantôt il progresse dans sa réhabilitation, tantôt il régresse. C'est une valse hésitation.
À la fin janvier, quand il a enfin accepté de parler aux journalistes lors d'une conférence de presse, il a laissé planer des doutes sur un éventuel retour au jeu. Reviendrait-il à la compétition ? Il n'en était pas certain. Il y avait eu des rumeurs voulant qu'il pourrait revenir au jeu mais avec un autre club que le CH (Seattle ?).
Une rumeur plus récente veut qu'il ne revienne pas cette saison, puisque le Canadien est déjà mathématiquement éliminé des séries. On a mentionné également que son retour a été retardé en raison d'une enflure au genou qui a été opéré l'été dernier. Un mal persistant qui pourrait mettre fin à sa carrière.
Lors de son point de presse de janvier, Price a dit craindre de ne plus pouvoir jouer à un haut niveau même s'il parvient à revenir au jeu. Cette crainte est-elle vraiment attribuable à l'état de ses genoux ou au fait que, privé de «speeds» nécessaires pour améliorer ses performances, il ne puisse plus répondre aux attentes immenses du club, des partisans et de son faramineux contrat ?
On l'a mentionné, à la longue, les «speeds» sont dangereux pour la santé. Ils peuvent même être mortels. Entre ses performances sportives et sa santé, Price a choisi la dernière, pour sa vie personnelle et celle de sa famille.
On verra quelles seront les conséquences de cette décision. Comme Shea Weber, il pourrait annoncer sa retraite, ou bien il tentera un retour au jeu, au risque de devoir se contenter de performances ordinaires (sans les béquilles qu'étaient les «speeds» pour lui), loin de certaines de ses prouesses d'un lointain passé...
Est-ce que la direction du club et les fefans pourraient accepter ce rendement inférieur de Scarey ? Price aura 35 ans l'été prochain. L'âge de la retraite pour la majorité des joueurs de la LNH. À moins qu'il essaie de s'accrocher à son mirobolant contrat de 10½ millions de $$$ par saison, auquel il reste encore quatre ans... Un échange est probablement hors de question.
Ron Francis, le gérant général du Kraken de Seattle, a levé le nez sur Price lors du repêchage d'expansion l'an dernier. Il avait sûrement fait son enquête au sujet du vétéran gardien, non protégé par le Canadien. Et ce que Francis a découvert ou flairé l'été passé l'a dissuadé de toucher au 31 du CH...